Lors d’un vol Paris-Londres, en 1983, l’histoire de la mode a pris un vrai tournant. La chanteuse et actrice Jane Birkin a fait tomber son agenda Hermès et les papiers qu’il contenait. Qui lui est venu en aide ? Jean-Louis Dumas en personne, directeur légendaire d’Hermès. Ils ont ensuite discuté pendant tout le vol. Jean-Louis Dumas lui a demandé quel était le sac de ses rêves. Il a pris des notes. Puis il les a ramenées à l’atelier Hermès. Une légende allait bientôt naître.
En 2015, un Birkin a été adjugé à 222 000 $, devenant alors le plus cher d’une vente aux enchères. Ce record n’a pas duré longtemps. En 2016, il a été battu par un autre Birkin vendu 300 168 $. En 35 ans, la valeur du Birkin a augmenté de plus de 500 %. De même qu’une maison ou une œuvre d’art, c’est maintenant un objet qui s’examine avant achat, quitte à venir de l’autre bout du monde.
Quoi de mieux pour les contrefacteurs ?
Debra Kent, fondatrice de Mightychic, est spécialisée dans les articles Hermès depuis près de deux décennies. Elle apprécie toujours autant le savoir-faire, la qualité et le « monde de couleurs » de la maison de luxe. Elle prévient néanmoins que « certains des sacs provenant d’Italie sont tellement bien faits qu’il est difficile même pour Hermès de les distinguer d’un vrai ». Pour éviter de se faire avoir, le premier impératif est de « savoir qui est le vendeur », conseille-t-elle. « Vous devez faire des recherches. Il faudra poser des questions. Il faudra aussi vous renseigner sur le vendeur, pour savoir s’il exerce depuis longtemps. » Vous devrez même aussi savoir à qui, exactement, votre vendeur a acheté l’objet.
Et, bien sûr, vous devrez bien connaître le sac lui-même, en particulier les détails que les contrefacteurs n’imitent pas correctement (ou pire, qu’ils reproduisent correctement). Vous trouverez ci-dessous une liste de points importants à prendre en compte si vous envisagez d’acheter ce sac historique.
Marquage
Sous le rabat supérieur d’un vrai Birkin se trouve la phrase qui fait rêver : Hermès Paris Made in France. Les marquages dorés, argentés ou incolores sont pressés légèrement dans le cuir. Leurs couleurs sont en général assorties aux finitions métalliques. Vérifiez l’accent sur le è. Vérifiez si le marquage est centré parfaitement, à la bonne distance de la partie supérieure (très proche de la couture supérieure) et que les lettres sont nettes et fines (pas mal écrites). Le marquage ne doit pas être gravé, peint ou être irrégulier. Le marquage peut comporter des symboles supplémentaires, par exemple pour indiquer un cuir exotique ou une commande spéciale (un fer à cheval). En vous familiarisant avec les caractéristiques d’un marquage authentique, vous serez mieux préparé à détecter les contrefaçons.
Cadenas
Depuis 2000, les cadenas et les clés ont le marquage « Hermès » et sont numérotés. Les numéros du cadenas correspondent à ceux des clés. Mais les typographies ayant évolué au fil des années, il est difficile d’authentifier un sac en se basant sur cette caractéristique. Il faut plutôt vérifier la qualité du cadenas et des clés, ainsi que leurs gravures. Les parties métalliques sont principalement en or ou en palladium, qui leur donnent un aspect particulier. L’anse du cadenas doit bouger facilement, et toutes les gravures doivent être nettes et raffinées.
Les clés sont contenues dans une clochette en cuir qui est nouée à l’anse du sac. Hermès attache les clés directement sur une lanière de cuir. Aucun porte-clés n’est utilisé. Et regardez la clochette en elle-même. Est-ce que la partie qui comporte les clés est composée d’une pièce de cuir pliée sur la partie supérieure et cousue sur les côtés ? Ou est-elle faite de deux pièces de cuir cousues ensemble sur trois côtés ? Dans ce dernier cas, il s’agit d’une contrefaçon.
Forme
Tout comme un garde royal devant le palais de Buckingham, la « posture » du Birkin, son équivalent parisien, doit évoquer la discipline et un certain statut. Un Birkin authentique ne s’affaisse pas. Il ne présente pas non plus de boursouflures. Il est droit, symétrique, avec une belle tenue. « Il est parfait sous tous les angles », explique Diane d’Amato, directrice des accessoires de luxe chez Heritage Auctions. C’est un cuir de qualité qui permet au Birkin de conserver sa forme emblématique. (À noter également que Hermès possède un spa à Paris dédié à l’entretien de ses sacs classiques.)
« Les proportions sont importantes », ajoute Debra Kent. « Est-ce que la poignée paraît trop grande ? Ou la face avant trop ronde ? » Les tailles les plus répandues pour les sacs Birkin sont 25, 30, 35 et 40 cm. « Parfois, on a un sac qui est un peu trop grand, ou un peu trop petit. Cela donne en général une indication sur son authenticité car il est fabriqué à la main, donc aucun sac ne sera parfaitement similaire à un autre.
Cuir
« L’un des premiers indices d’authenticité d’un sac, c’est son cuir », indique Debra Kent. « Rien n’est comparable à l’odeur, au toucher et à l’apparence d’un sac Hermès authentique. » Les sacs Birkin sont déclinés en plusieurs cuirs (dont box-calf, Chamonix, Togo, Clémence, Veau swift, Epsom et Fjord). Parmi les cuirs exotiques figurent l’alligator, le crocodile et l’autruche.
« Chaque année, Hermès crée différentes couleurs dans différents cuirs », explique Diane D’Amato. « Nous nous assurons que le cuir corresponde à la couleur… Tous les sacs de couleur ne sont pas réalisés dans tous les cuirs. »
Couture
Réalisées à la main par un artisan expérimenté, les coutures du Birkin sont légèrement inclinées, serrées et précises. En général, le fil est de la même couleur que le sac. La couture étant faite à la main, il peut y avoir de petites incohérences, mais elle ne sera jamais désordonnée. Un travail peu soigné, avec par exemple des fils desserrés ou qui pendent, sera forcément le signe qu’il s’agit d’une contrefaçon, et non que la couture a été réalisée par un artisan peu consciencieux. Il n’y a pas d’artisans de ce type chez Hermès.
Le numéro de série
En 1945, Hermès a commencé à dater ses sacs avec des lettres de l’alphabet. Elle a commencé avec un A pour terminer 25 ans plus tard, en 1970, avec le Z. Puis le cycle a recommencé, avec l’ajout d’une nouvelle notation. De 1971 à 1996, les lettres de l’alphabet étaient entourées d’un cercle. Et de 1997 à très récemment, les lettres étaient entourées d’un carré. Sur le Birkin, on trouve ce numéro au revers du sanglon.
Tout a changé ces dernières années quand, toujours pour lutter contre les imitations, Hermès a déplacé ces marquages pour les mettre à l’intérieur du sac, et a remplacé son système de codage par un autre plus difficile à déchiffrer. Cette modification avait au départ consterné les collectionneurs, alors imaginez ce que cela doit être pour les contrefacteurs !
Fermetures à glissière
Sur la fermeture à glissière d’un authentique Birkin, le nom « Hermès » est gravé sur la tirette en métal, avec la moitié inférieure contre la tirette en cuir. (Comme toujours avec les gravures sur les parties métalliques des Birkin, l’effet final doit être net et élégant, et pas bâclé ou grossier.) En général, les contrefacteurs font attention à ce détail. Il existe donc une autre manière d’évaluer la fermeture à glissière : son mouvement. Fermer un sac Birkin doit évoquer le luxe, avec un mouvement doux et uniforme qui doit convaincre qu’un artisan hautement qualifié a testé la fermeture à glissière et a donné son approbation.
Carte d’authenticité
Hermès ne fournit pas, n’a jamais fourni et ne fournira jamais de carte d’authenticité avec ses sacs. Les contrefacteurs, par contre, oui. Il en va de même pour les étiquettes volantes. Il n’y en a pas avec les sacs authentiques. Gardez ceci à l’esprit.
La base
Certaines imitations peuvent être facile à détecter, mais uniquement si vous retournez le sac et examinez sa base. Est-ce que les pieds se dévissent ? Ce ne serait pas le cas sur un véritable Birkin. Sont-ils plus courts ou plus larges que sur des sacs authentiques ? Ont-ils l’air « bon marché » ? Faites attention à cela. Enfin, le motif du cuir peut apporter un indice précieux. Par exemple, le motif doit aller d’un côté à l’autre sur la longueur du sac (comme sur la photo ci-dessus), et pas de haut en bas. C’est le genre de détails qui peut échapper aux contrefacteurs habituels.
(Article revu le 15 septembre 2020)
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À propos de l’auteur : Lisa Santandrea est une écrivaine habitant à New York. Elle enseigne l’histoire de la mode à la Parsons School of Design.