Ils ont orné les palais des sultans et des reines, inspiré des contes de fées et des légendes et absorbé les bruits de pas de nombreuses générations. Avec leurs rouges rubis et leurs bleus voilés, leurs motifs végétaux entrelacés et leurs géométries rythmées, les tapis de Turquie sont aussi appréciés aujourd’hui qu’au XIIIe siècle, lorsque les Turcs du Grand Empire des Seldjoukides ont commencé à tisser ces tapis éclatants en Anatolie.
Depuis, la technologie, la demande des clients et même la géographie ont changé, mais les tapis continuent de refléter les riches traditions culturelles et esthétiques ancestrales. Ce guide vous aidera à trouver ceux qui correspondent le mieux à votre vie, votre style et votre maison.
Qu’est-ce qu’un tapis de Turquie ?
Un tapis de Turquie est tout simplement un tapis fabriqué en Turquie ou dans l’ancien empire ottoman, à l’aide des méthodes et des tissages traditionnels uniques de la région. Les tapis produits ailleurs à partir des mêmes techniques sont considérés comme inauthentiques.
Ces tapis sont variés, allant des kilims tissés à plat aux luxuriants tapis noués, appelés hali, dont beaucoup sont créés avec des nœuds Ghiordes, ou nœuds turcs. Alors que dans d’autres nœuds, le fil de trame (dans le sens de la largeur) est enroulé autour d’un fil de chaîne (dans le sens de la longueur), dans le cas des nœuds Ghiordes, il est enroulé autour de deux fils, donnant ainsi au tapis une plus grande densité et une meilleure durabilité. Outre les techniques de nouage qui entrent dans leur fabrication, les tapis de Turquie se distinguent par leurs motifs (naturalistes ou stylisés, géométriques ou figuratifs) qui reflètent souvent la région où ils ont été fabriqués.
Les types et styles de tapis de Turquie
Les types et les styles de tapis de Turquie sont définis à la fois par la méthode de tissage et par la région, la ville ou le village d’origine. Ainsi que l’explique Alberto Levi, spécialiste basé à Milan, les principaux types de tapis de Turquie sont les kilims, reconnaissables à leur tissage avec séparation des zones de motif, ce qui laisse un espace, ou une fente, entre les sections tissées avec différents fils de différentes couleurs, les sumak, fabriqués avec une trame enveloppante, pour un tapis tissé à plat plus robuste, et les cicim, qu’il décrit comme « un type de sumak avec des techniques de brocart supplémentaires typiques des tribus et des villages d’Anatolie centrale ».
Chaque type de tapis englobe divers styles régionaux. Parmi ceux-ci figurent les tapis Bergama, caractérisés par leurs rouges vifs et leurs motifs médaillon puissants, les tapis Tulu à poils épais et les tapis Konya, que Marco Polo aurait qualifiés de « plus beaux tapis du monde ». Avec leurs motifs tribaux marqués et leurs trames rouge vif en laine singulièrement soyeuse, les tapis Konya sont particulièrement prisés des collectionneurs.
Les tapis Oushak (ou Ushak), aux motifs complexes et travaillés et aux tons chatoyants de safran, de cannelle, de bleu, d’ivoire et d’or, ainsi que les tapis Hereke, créés à l’origine exclusivement pour les sultans ottomans à partir de la soie la plus fine, sont également très appréciés.
Toujours fabriqués dans la ville turque côtière de Hereke, ces joyaux tissés, avec leurs motifs floraux d’une exquise délicatesse réalisés en laine, en coton et en soie et fréquemment rehaussés de fils d’or et d’argent, sont très recherchés par les collectionneurs et les décorateurs du monde entier.
Tapis de Turquie traditionnels ou modernes ?
Pour Jason Nazmiyal, qui travaille chez le revendeur de tapis new-yorkais Nazmiyal Antique Rugs, « un bon tapis de Turquie doit avoir des couleurs harmonieuses ». C’est le cas des tapis de Turquie modernes comme anciens, mais les teintes ont changé au fil des siècles, grâce à la technologie, et aussi du fait de l’évolution de la culture et des goûts.
Au cours du XVIIe, du XVIIIe et du début du XIXe siècles, les tapissiers ottomans utilisaient des fils colorés avec des teintures naturelles provenant de plantes locales. Inventées dans les années 1850, les teintures chimiques offraient une palette plus large mais ne pouvaient pas reproduire les subtiles nuances des teintures naturelles, qui confèrent aux tapis une texture visuelle douce et une qualité presque chatoyante.
Malgré cela, Murat Kupcu, de la Double Knot Rug Gallery, constate que les acheteurs d’aujourd’hui préfèrent souvent les tons plus discrets des teintures commerciales. « La couleur présente un défi », remarque-t-il, « et un tapis a un impact important dans une pièce, ainsi nous nous retrouvons avec beaucoup de gris et de beige. » Les acheteurs doivent toutefois veiller à ne pas confondre les tapis turcs neufs blanchis industriellement avec des tapis anciens ou vintage.
Les motifs ont eux aussi évolué. Si de nombreux tapissiers continuent à exécuter des motifs traditionnels, d’autres réinterprètent leur héritage culturel sous un angle contemporain, avec une ornementation plus audacieuse et des motifs plus géométriques. Les tapis contemporains sont également rarement fabriqués à la main et intègrent souvent des matières synthétiques dans le tissage, pour des raisons de rentabilité et de durabilité adaptées à la vie du XXIe siècle.
Mais tout comme le beige n’est pas forcément ennuyeux (pensez à des couleurs comme le gris marbre ou le sable rosé), un tapis manufacturé peut être une aubaine. « En fin de compte, vous pouvez aussi préférer un tapis fabriqué en machine parce que vous avez un chien, un enfant, ou pour prévenir l’usure », souligne Murat Kupcu. « Dans certains cas, il vaut mieux renoncer à la notion romantique du « fait main ». »
Questions fréquentes
En quoi un tapis de Turquie est-il spécial ?
« C’est une expérience tactile et chromatique : un visuel, de la douceur, moins de rigidité », selon Alberto Levi. « Voilà pourquoi ces tapis sont particulièrement appréciés. Ils résistent à l’épreuve du temps. »
« Les tapis turcs anciens sont inégalés dans leur façon de superposer les couleurs », explique la décoratrice d’intérieur Sara Bengur. « On y trouve souvent de nombreuses couleurs tissées qui s’interpénètrent dans le motif, et cependant s’équilibrent avec sérénité, surtout lorsqu’elles sont tissées avec des teintures végétales, comme c’était le cas de la plupart des tapis anciens. J’apprécie aussi beaucoup les imperfections intentionnelles, une façon pour les tapissiers de laisser leur empreinte et leur touche personnelle. »
« La laine de Turquie est également très différente », précise-t-elle. « Elle possède une qualité très fine, qui procure aux tissages plats un aspect sophistiqué et leur permet de s’intégrer parfaitement dans des environnements plus urbains, même s’ils ont été créés pour des raisons purement fonctionnelles et utilisés pour leur aspect pratique, pour couvrir les sols et les lits, dans les communautés rurales. »
Que rechercher dans un tapis de Turquie ?
Les tapis les plus somptueux sont tissés ou noués au moyen du nœud classique Ghiordes et fabriqués en laine, en coton, en poils de chameau ou d’autres animaux ou, pour les plus luxueux, en soie. Les tapis plus anciens présentent des motifs complexes dans des tons rouge écarlate, rouge brique et bleu marine ; à partir du XVIIIe siècle, ils sont devenus plus grands, arborant des teintes plus douces. Méfiez-vous des tapis « façon antiques », qui sont en réalité des tapis plus récents blanchis pour leur donner un aspect vieilli, généralement hors de prix et de mauvaise qualité. Selon Jason Nazmiyal, les investisseurs ont tout intérêt à opter pour des tapis dont le motif est repris sur toute la surface plutôt qu’ornés d’un médaillon central.
Comment entretenir un tapis de Turquie ?
« Les tapis faits à la main doivent être nettoyés par un spécialiste », recommande Murat Kupcu. « À la maison, vous pouvez passer un léger coup d’aspirateur, le dépoussiérer en le secouant à l’extérieur et nettoyer les taches avec un peu d’eau et de savon. »
Quelles sont les meilleures adresses pour acheter un tapis de Turquie ?
Tout d’abord, cherchez des revendeurs qui ont bonne réputation. Entraînez votre œil en examinant l’aspect des tapis que vous aimez, même en cherchant simplement des images sur Google, suggère Jason Nazmiyal, et faites des comparaisons. Selon Murat Kupcu, « en tant que client, vous devez poser des questions ». Ce tapis a-t- il été vieilli artificiellement ? Où et quand a-t-il été fabriqué ?
Usez de prudence vis-à-vis des boutiques de tapis pour touristes dans des villes comme Istanbul, dont les articles pourraient bien avoir été fabriqués récemment en Chine. Dans de nombreux cas, il faut un œil d’expert pour faire la différence.
« J’ai consacré beaucoup de temps à lire des livres, à visiter des musées et me lier d’amitié avec des marchands experts, à toucher des tapis », explique Murat Kupcu. « J’ai découvert encore plus de choses depuis que j’ai ouvert mon magasin. Et je n’en finis pas d’apprendre. »
