Designers à l'honneur

L’objectif de cette designer australienne est de susciter la joie à travers ses intérieurs

Portrait d'Alexandra Donohoe Church
Alexandra Donohoe Church pensait que la décoration intérieure semblait trop amusante pour être une vraie carrière. Aujourd’hui, son cabinet, Decus Interiors, se spécialise dans la création d’intérieurs résidentiels d’influence mondiale (portrait de Dave Wheeler). En haut : Alexandra Donohoe Church a équipé le salon d’une maison d’Australie-Occidentale de grands canapés moelleux, de tables basses BDDW et d’un fauteuil citrouille de chez Ligne Roset. Photos Anson Smart

Alexandra Donohoe Church était à peine adolescente quand elle a commencé à parcourir avidement les catalogues de meubles qui remplissaient la boîte aux lettres de sa maison familiale à Seattle, où ses parents australiens avaient déménagé quand elle avait sept ans. « Dans les années 90, le nord-ouest du Pacifique n’était ni cosmopolite ni le centre du monde du design, mais ça, qu’est-ce que j’en savais ? », raconte en riant Alexandra Donohoe Church lors d’une interview vidéo depuis Sydney, où elle a installé son cabinet de design, Decus Interiors. « Je fouillais les catalogues et j’imaginais redécorer ma chambre et celle de mon frère, puis j’y allais et je changeais tout. »

Malgré ce présage clair d’une carrière dans le design d’intérieur, après avoir terminé ses études secondaires à Sydney, où la famille était revenue quand elle avait 14 ans, Alexandra Donohoe Church se lance dans des études en architecture paysagère. « Je me souviens avoir fait du design à l’école et avoir pensé : « ça ne doit pas être possible de concevoir des espaces pour gagner sa vie, cela semble bien trop amusant » ». 

Elle explique que, lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle était totalement incapable de retenir une quelconque appellation botanique, elle s’est réorientée vers un diplôme en architecture d’intérieur et confie avoir été « obnubilée par le design d’intérieur, les mouvements, les artistes, les designers. C’était une véritable histoire d’amour ».

C’est toujours une histoire d’amour pour la designer de 39 ans, qui a travaillé pour plusieurs entreprises de design de Sydney avant d’atterrir dans un cabinet qui ne faisait que des intérieurs résidentiels. « J’ai adoré concevoir des espaces pour des clients directs et le processus nécessaire pour comprendre véritablement la façon dont ces personnes vivent, leurs priorités et leurs valeurs », explique-t-elle. « J’ai senti que j’étais à ma place, c’était ce que je voulais faire. »

En 2009, Alexandra Donohoe Church a lancé sa propre entreprise, travaillant seule depuis son appartement. C’était une période éprouvante, dit-elle. « J’avais 27 ans et j’étais novice et très naïve au niveau de mon activité, de la gestion des clients et des aspects juridiques. Mais je pense que si j’avais attendu d’en savoir plus, je n’aurais pas pris le risque. C’était donc vraiment un avantage de ne rien savoir. Je n’avais pas de prêt à rembourser ni d’enfants. Je n’avais pas grand-chose à perdre, ce qui est somme toute assez merveilleux ! »

Salon conçu par Alexandra Donohoe Church
Dans une maison de Sydney, le Pigeon Krested de Leila Jeffreys est accroché au mur à côté d’une applique Michael Anastassiades. Decus Interiors a conçu le canapé incurvé sur la gauche. Le tapis est de Louise Olsen.

Elle a commencé par de petits projets et des collaborations, en prenant progressivement de plus grandes commandes et en embauchant le personnel pour les gérer. Le moment charnière, se souvient-elle, a eu lieu quand un couple a téléphoné après avoir vu un projet de l’entreprise dans un magazine et leur a confié la refonte complète d’une maison dans une ville côtière d’Australie-Occidentale. « C’était la première fois que nous avions l’occasion de sélectionner des meubles vraiment spéciaux et de travailler avec une importante collection d’art », dit Alexandra Donohoe Church. « Ça a été un véritable tournant en termes d’apprentissage du métier et du fonctionnement du design. »

Elle n’a jamais cessé depuis. Chez Decus Interiors (le nom vient du mot latin signifiant ornement), elle dirige aujourd’hui une équipe de 10 à 12 designers (« cela dépend des congés parentaux ! ») qui travaillent sur de nombreux projets résidentiels haut de gamme, notamment, en ce moment, une résidence ancienne de Sydney, ainsi qu’une maison neuve, qui est le plus grand projet de l’entreprise à ce jour. 

Salon conçu par Alexandra Donohoe Church
Nous parlant de la maison côtière d’Australie-Occidentale, Alexandra Donohoe Church explique : « c’est peu peuplé, et il n’y avait pas d’entreprises de design ». « Pourtant, il y a beaucoup de richesse provenant de l’exploitation minière, et les clients faisaient appel à des designers d’Europe et d’Amérique, ainsi que de Sydney et de Melbourne. » Elle ajoute, « les clients ont une merveilleuse collection d’art australien, et j’ai voulu ajouter quelques meubles de l’étranger ».

D’après Alexandra Donohoe Church, le style Decus consiste à « partir d’un brief créatif et à livrer une extension de la personnalité du client ». Son studio s’attache à la psychologie de l’espace et à la mise en forme des environnements plutôt qu’à établir une signature esthétique. « Mais je commence à me rendre compte que les clients viennent nous voir pour un regard particulier », ajoute-t-elle, « et même si je ne veux pas que nos projets se ressemblent, je comprends que les clients sont prêts à ce que nous proposions des idées qui nous sont propres ».

Ces idées, dit-elle, incluent « une superposition de textures ou une superposition d’œuvres d’art et de meubles sur la construction. Il est très important pour moi qu’il y ait un peu de tension dans un espace. Je n’aime pas que tout concorde. J’aime qu’il y ait un peu de concurrence, un échange entre l’art, les meubles, l’espace et l’architecture extérieure ».

La pandémie, le travail à distance et le blocage que connaît actuellement l’Australie ont présenté des difficultés, mais ils avaient aussi un côté positif, dit Alexandra Donohoe Church. « J’ai vu cela comme une occasion de me plonger dans tous les livres que j’ai toujours voulu lire, de m’attaquer aux corvées que je repoussais à plus tard et de me concentrer vraiment sur nos projets de design. Nos clients sont également confinés. Promettons-leur quelque chose de joyeux ».

Nous avons interrogé Alexandra Donohoe Church sur certains de ses projets les plus stimulants et amusants.

Chambre conçue par Alexandra Donohoe Church
Dans la chambre à coucher de la maison d’Australie-Occidentale, une œuvre de l’artiste australien Tim Storrier est accrochée au-dessus du lit, une conception personnalisée de Decus Interiors. L’applique murale est de Serge Mouille. À côté de la fenêtre, le lampadaire Branching Bubble de Lindsey Adelman accompagne la chaise PO-801 de Jorge Zalszupin.

Parlez-nous de l’évolution du projet en Australie-Occidentale que vous avez mentionné plus tôt.

Il y avait une esthétique assez homogène [dans la région], à savoir de grandes maisons massives et cubiques. Le client voulait quelque chose de différent.

Ils nous ont expliqué l’esthétique qu’ils recherchaient en termes de sensations. Ensuite, ils nous ont donné beaucoup de liberté. Nous avons totalement repensé les plans et ajouté un étage complet qui était réservé aux enfants, les autres espaces étant plus publics et pour les adultes. A l’étage, c’était vraiment vivant, tandis que le rez-de-chaussée était plus sophistiqué. C’est un endroit où l’on vit pieds nus, à un pâté de maisons de la plage, et nous voulions passer sans effort de ce côté informel à l’organisation d’un cocktail pour 200 personnes. Au final, ils ont une maison très différente de celles de leurs amis et voisins.

Entrée avec portes et appliques décorées conçue par Alexandra Donohoe Church
« J’ai adoré la texture et les détails ciselés », dit Alexandra Donohoe Church de ces portes en bronze à relief solaire, qui viennent d’un domaine de Los Angeles. « Il y avait aussi un lien dans mon esprit entre une esthétique de Palm Springs du milieu du siècle et l’emplacement (près de la plage mais dans un environnement de type désertique), ce qui lui donnait l’impression que c’était le bon choix. »

Quelle est la pièce importante que vous avez achetée pour la propriété ?

Ce qui a été très important, c’est l’ensemble de portes monolithiques en bronze coulé à relief solaire venant d’un domaine de L.A. que nous avons acheté sur 1stDibs. Je voulais quelque chose de vintage pour insuffler du caractère au premier élément que vous rencontrez en entrant dans la maison, parce que tout le reste était neuf. 

Vous avez mentionné que les clients avaient une importante collection d’art. Comment avez-vous tenu compte de cela en ce qui concerne les meubles et les couleurs ?

Nous avons choisi tous les meubles avant de décider où placer les œuvres d’art, mais tout a vraiment bien fonctionné. Les clients ont une merveilleuse collection d’art australien, et j’ai voulu ajouter quelques meubles de l’étranger. Dans un petit espace du hall d’entrée du salon, nous avons mis une console bloc en bronze Eric Schmitt qui est mon meuble préféré. Nous avons dû renforcer le sol, et il a fallu six hommes pour la faire entrer dans la maison.

Salle d'art conçue par Decus Interiors

« Nous voulions une sensation vraiment lumineuse et fraîche », dit Alexandra Donohoe Church en parlant du coin des enfants. L’espace est orné de luminaires Doug Johnston et Lindsey Adelman, ainsi que du tableau Mosaic Entrance de Howard Arkley (1994). La table et le banc personnalisés sont de Decus Interiors, fabriqués par JP Finsbury, et les tabourets sont des Pattern Chess Pieces d’Anna Karlin

Dans le coin des enfants à l’étage, nous voulions une ambiance très lumineuse et fraîche. Nous avons des luminaires de Doug Johnston et Lindsey Adelman, qui vont très bien avec une œuvre de Howard Arkley. Nous avons aussi utilisé des couleurs vives pour l’espace piscine : un tissu Missoni robuste pour les ottomanes et certaines des œuvres d’art indigènes que les clients avaient dans leur collection.

Vous avez aménagé une maison à Sydney deux fois, pour des clients différents. Ça a dû être intéressant.

Ça l’était ! Les premiers clients ont construit la maison à partir de zéro en 2015. C’est une maison de quatre étages sur un site compact en pente et escarpé sur la plage de Tamarama, une zone très haut de gamme. Nous avons fait les intérieurs avec l’architecte, tous très neutres et noirs et blancs, et avons conçu toute la menuiserie. Puis, en 2019, nous avons reçu un coup de fil des nouveaux propriétaires. Ils avaient cinq enfants qu’ils avaient élevés dans une maison traditionnelle démodée. Maintenant que les enfants avaient quitté la maison, ils étaient prêts à s’amuser davantage. L’épouse disait : « je veux me sentir comme si je me prélassais au bord d’une piscine sur la Méditerranée ! »

C’était donc un projet très différent, et il y avait plusieurs besoins. Nous avons placé tous les espaces de vie et la cuisine aux étages supérieurs et les chambres et la salle de jeu en-dessous, donnant sur la piscine et la terrasse. Encore en-dessous, on trouve le bureau et la suite des invités. À l’étage le plus bas se trouvent le garage, la salle de sport et la cave à vin.

Salon conçu par Decus Interiors

Le salon spacieux de la maison d’Australie-Occidentale, éclairé par l’Applique 2 de Serge Mouille, s’ouvre sur la piscine.

Vous semblez avoir des goûts très internationaux. Essayez-vous de collaborer avec des designers australiens ?

Il y a de merveilleux designers australiens, et nous faisons effectivement appel à eux. Mais c’est vrai que j’ai une vision assez internationale, peut-être parce que j’ai passé une partie de mes années de formation aux États-Unis et que nous avons beaucoup voyagé là-bas et en Europe. Il y a certains designers que j’adore depuis les années 90. La plupart sont français et s’appellent Pierre ! J’aime l’absence totale de tendance dans ce que Pierre Yovanovitch fait, par exemple la façon dont les pièces se parlent dans ses espaces. Pierre Paulin est mon autre héros du design. 

J’utilise 1stDibs de plus en plus, en fait. Pour être honnête, l’application rend les choses beaucoup plus faciles, et j’adore la façon dont on peut se mettre en contact avec des designers du monde entier.

Salon conçu par Alexandra Donohoe Church

Des œuvres audacieuses de Charles Tjapangati (à gauche) et Joseph Jurra Tjapaltjarri (à droite) sont accrochées au-dessus du canapé personnalisé. Conçu par Decus Interiors, le canapé est orné d’oreillers colorés, dont certains en tissus Missoni.

Vous pensiez autrefois que faire carrière dans le design serait trop amusant. C’est le cas ?

C’est vrai ! Mais il y a aussi des aspects difficiles. Vous faites entrer en collision une créativité (cerveau gauche) avec des intentions (cerveau droit), et vous devez faire cohabiter les deux. Vous devez gérer les budgets, les délais et les paramètres, vous devez penser aux moindres détails, et vous devez écouter vos impulsions créatives. Vous êtes de temps en temps un conseiller matrimonial ou un contrôleur financier. Vous devez même parfois lire dans les pensées de vos clients.

Mais après une vingtaine d’années dans ce métier, je suis toujours aussi excitée de faire une présentation en espérant que le client l’aimera. On se présente de façon vulnérable et on dit : « voilà. J’espère que ça vous plaît ».

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