Visites de maison

Visite d’un appartement de Tribeca regorgeant d’œuvres d’art de premier ordre dans chaque pièce

Apprécier l’art dans un musée ou une galerie est une chose, posséder une pièce et vivre avec elle en est une autre. À n’en pas douter, il est plus gratifiant d’être entouré en permanence par la vision d’un artiste et de pouvoir interagir avec elle à sa guise à tout moment. Une fois que vous achetez une œuvre et que vous l’accrochez dans votre maison, vous en êtes responsable : l’endroit où elle est placée, sa présentation, le choix du cadre et si elle est à la portée d’enfants ou d’animaux domestiques.

Le cabinet new-yorkais Pembrooke & Ives a récemment conçu l’intérieur d’un appartement de 4 chambres à coucher et d’environ 500 m²dans le quartier Tribeca de Lower Manhattan, afin de mettre en valeur la formidable collection d’art contemporain du propriétaire, un cadre de l’immobilier vivant avec sa femme et ses trois enfants. Connu pour ses décorations d’intérieur luxueuses et confortables, le cabinet de design a pris l’initiative d’agencer les travaux de manière judicieuse tout en assurant une vie familiale agréable.

Pour la décoration d’un appartement de 4 chambres à coucher et d’environ 500 m² dans le quartier Tribeca de Manhattan, le cabinet new-yorkais Pembrooke & Ives a conçu son projet autour de l’impressionnante collection d’art contemporain du propriétaire. Ci-dessus dans le vestibule principal, de gauche à droite, Tension (2019) de KAWS, Portrait of Lily (env. 2012) de Mickalene Thomas et Alba (2015) de Juan Genoves. En haut : Les œuvres de Manolo Valdés (à gauche) et de Liu Ye sont visibles de presque tous les angles dans la salle à manger et le salon communs.

Le collectionneur a voulu un lieu où l’art prime. « Nous n’achetons pas la maison pour ensuite déterminer quel type d’art nous allons acquérir », explique-t-il. « La couleur me parle, voilà pourquoi nous avons donc demandé aux architectes d’opter pour un fond et des meubles le moins intrusifs possible afin que les touches de couleurs proviennent de l’art. ».

Dans son ensemble, la collection représente plus de 75 pièces, réparties entre l’appartement de la famille, leur maison des Hamptons et, si nécessaire, des entrepôts. « Je ne me considère pas moi-même comme un collectionneur », déclare le propriétaire. « J’ai commencé tout petit et j’ai visé de plus en plus haut en fréquentant les galeries. »

« Mes clients voulaient avoir l’impression d’être à l’intérieur d’une galerie », explique Jessica Iwaniec, de Pembrooke & Ives, qui a dirigé les travaux intérieurs du projet. Elle fait remarquer que « c’est l’art qui inspire la conception » des espaces de l’appartement. « La palette des tissus, les couleurs des murs, quasiment l’intégralité des matières est conçue pour mettre en exergue les œuvres d’une certaine façon ». Portrait de Dustin O’Neal

Pembrooke & Ives a également conçu le bâtiment lui-même, une adresse exclusive avec une façade en pierre calcaire abritant seulement sept appartements. Jessica Iwaniec, l’architecte d’intérieur en chef de cette demeure, explique que le cabinet aide généralement les clients dans l’acquisition d’œuvres d’art, en travaillant avec un consultant pour obtenir les bonnes pièces. Mais dans le cas présent, s’agissant de ce qu’elle appelle une collection « mûre », « c’est l’art qui inspire la conception de l’espace ».

Les motifs et les couleurs audacieuses des œuvres de Keith Haring, Jeff Koons, Yoshitomo Nara, Mickalene Thomas et Mel Bochner, entre autres, ont encouragé Jessica Iwaniec et son équipe à veiller à ce que l’art soit mis en valeur. « La palette des tissus, la couleur des murs, et quasiment l’intégralité des matières est conçue pour mettre en exergue les œuvres d’une certaine façon », explique-t-elle.

Le vestibule principal de l’appartement, rempli d’œuvres d’art, démontre que même les espaces interstitiels peuvent être des lieux d’exposition sensationnels pour de grandes œuvres, comme dans un musée en mouvement. « Mes clients voulaient que l’appartement ressemble à une galerie, voilà pourquoi il déborde d’œuvres d’art somptueuses », explique Jessica Iwaniec en faisant remarquer que trois pièces majeures sont visibles dans un couloir situé juste à côté de l’entrée.

Il s’agit d’ Alba (2015), un camée du peintre espagnol Juan Genoves, âgé de 90 ans, le Portrait de Lily de Mickalene Thomas (env. 2012) et Tension (2019) de KAWS, qui témoigne de la veine plus abstraite de l’artiste superstar. Avec autant de couleurs et de formes, cet espace ne pouvait pas accueillir grand-chose d’autre. Mais l’équipe de Pembrooke & Ives a ajouté un lien en daim à la coulisse sur le sol, « juste pour la rehausser », note Jessica Iwaniec.

Leave Me in the Dark (2008) de Liu Ye est rejoint dans la salle à manger par Sprout the Ambassador (2001) de Yoshitomo Nara. Au centre de l’espace, un lustre sculptural de Frederik Molenschot est suspendu au-dessus d’une table au plateau en laque personnalisée, entourée de chaises Cliff Young. Les sièges associent deux différents types de peau.

« Les peintures, en particulier les tableaux figuratifs, m’ont très souvent interpelé », précise le propriétaire au sujet de sa collection. Trois exemples entourent la table à manger : Leave Me in the Dark (2008) de Liu Ye, Sprout the Ambassador (2001) de Yoshitomo Nara et une peinture de Manolo Valdés.

Les œuvres de Liu Ye, d’origine chinoise, et de Yoshimoto Nara, artiste japonais, s’accordent bien avec la peinture de Manolo Valdés, d’origine espagnole et basé à New York. Cette combinaison globale démontre certainement la force de la figuration internationale et combien il est intéressant d’avoir des visages autour de la table à manger, au-delà de ceux des convives.    

Le collectionneur a acheté le tableau de Yoshimoto Nara, représentant une jeune fille rebelle dans le style bande dessinée caractéristique de l’artiste, lors d’une édition d’Art Basel il y a plusieurs années, et, comme toujours, il s’est fié à son instinct. « Il n’y a eu aucune préméditation. Je me promenais dans le salon et j’ai été hypnotisé. Je l’ai acheté sur une impulsion, et c’est devenu l’une de mes pièces préférées », se souvient-il, ajoutant que c’est la juxtaposition de « l’innocence et d’un certain côté noir » dans l’image qui l’a captivé.

De part et d’autre de la cheminée du salon, des étagères personnalisées sont recouvertes de cuir, faisant écho aux chaises de la salle à manger. Le canapé est fait sur mesure.
En face de la cheminée, derrière le canapé, se trouve un bar encastré, rétroéclairé, adossé à un mur en dalles de marbre.

Une table à manger sur mesure avec un plateau laqué, des chaises Cliff Young tendues de deux types de peau différentes et un lustre sculptural de Frederik Molenschot se joignent aux tableaux. « Nous avons simplement essayé de rendre le tout très harmonieux et apaisant », explique Jessica Iwaniec.

Le luxueux salon, qui s’ouvre sur une terrasse, partage le même grand espace ouvert que la salle à manger. À l’une des extrémités du salon se trouve un bar encastré et rétroéclairé qui s’appuie sur un mur en dalles de marbre orné d’étagères en verre flottant. Sur le mur opposé au bar se trouve une cheminée en marbre flanquée d’étagères sur mesure, recouvertes de cuir pour faire écho aux chaises de salle à manger, remarque Jessica Iwaniec.

Un canapé sur mesure crème en chenille constitue le perchoir idéal pour apprécier les tableaux. « Le mariage a été voulu dans la subtilité », précise la créatrice à propos du canapé. « Nous ne voulions pas détourner l’œil de ce qui se trouve sur les murs ».

L’éclairage de l’espace suit le principe des « décisions très intentionnelles » en matière d’illumination de Jessica Iwaniec. « La lumière donne vie à l’art et lui confère une dimension plus profonde », précise-t-elle. « Il arrive qu’une pièce en particulier mérite d’être surplombée d’une lumière picturale ». Ceci était le cas de la peinture de Liu Ye, l’une des œuvres préférées du collectionneur, que l’on peut voir depuis presque tous les angles dans le grand espace à plan ouvert.

L’œuvre Money (2007) de l’artiste conceptuel Mel Bochner occupe une place de choix dans le bureau du propriétaire, aux côtés d’un chiot en ballon de Jeff Koons et d’un soldat de Brendan Murphy faisant du yoga. Le lustre en verre noir est de Holly Hunt, le rangement de bureau de USM et le fauteuil Almora de Nipa Doshi et Jonathan Levien pour B&B Italia

Le collectionneur a accroché l’œuvre Money (2007) de Bochner dans son bureau. Associant plusieurs teintes de vert vif, le tableau est ici la pièce maîtresse sur fond de couleurs neutres. Parmi les mots dégoulinant de couleur verdoyante, citons « Gelt », « Dough », « Cash » et « Moolah ». Elle s’inscrit dans l’œuvre de l’artiste conceptuel américain de 80 ans, connu pour ses œuvres textuelles ludiques.

« Il est facile de cotoyer avec cette œuvre », précise le collectionneur. Au début du projet, le propriétaire a indiqué aux architectes qu’il voulait qu’il soit suspendu au-dessus de son bureau.

« La pièce était toute destinée à ce tableau », remarque Jessica Iwaniec. L’ameublement du bureau comprend un étonnant lustre en verre noir signé Holly Hunt, un canapé sur mesure en lin et un bureau personnalisé avec des rangements USM en dessous. S’il y a un élément mobilier qui a presque autant de flair que le tableau, c’est le fauteuil Almora, conçu par Nipa Doshi et Jonathan Levien pour B&B Italia

Le temple de Philae (2010) de Christian Voigt (cliché pris à Assouan, en Égypte) remplit presque tout un mur de la suite principale, où un lit DDC vient se blottir contre un mur recouvert de daim.
Les chambres des enfants accueillent également des pièces de la collection d’art du propriétaire, notamment les œuvres de KAWS et Koons qui trônent sur des étagères au-dessus d’un bureau sur mesure.

La chambre principale est décorée par un cliché du photographe allemand Christian Voigt, Philae Temple (Le temple de Philae, 2010). Une place de choix lui est réservée sur un mur de plus de 4 mètres.

« J’avais toutes les dimensions des murs sur moi lorsque j’étais à une foire d’art avec ma fille, et elle m’a dit : « Papa, j’aime vraiment cette photographie » », se souvient le propriétaire. Christian Voigt est réputé pour ses images hyperréalistes d’espaces architecturaux, comme celle-ci, qui représente un espace sacré à Assouan, en Égypte, et « l’échelle et les couleurs vives sautent aux yeux », ajoute le collectionneur. « J’ai trouvé que c’était une pièce de collection idéale, malgré les difficultés pour la faire rentrer dans l’appartement ».

Jessica Iwaniec et son équipe ont ajouté un lustre en bronze et verre fumé et un tapis en laine et soie de bambou tufté à la main pour donner la touche finale au look de la chambre.

Même les chambres des enfants sont ornées de figurines colorées et pop de la série « Companion » de KAWS et de la collection fantaisiste de Koons sur le thème des ballons. Dans l’une des chambres, les pièces sont placées au-dessus d’un bureau sur mesure, sur fond de papier peint avec projections de pois et de tapis bleu.

L’œuvre Untitled (1984) de Keith Haring constitue un point de mire dans la salle familiale et la cuisine ouvertes. Une feuille de plexiglas recouvre le bas du tableau pour le protéger des petits doigts des bambins. « Mes enfants savent qu’ils ne doivent jamais toucher les œuvres », précise le maître de maison. « Ceci est fait plutôt pour les autres enfants qui viennent à la maison ». Un sofa modulable DDC rencontre une ottomane sur mesure, et les tabourets de bar sont de Thomas Hayes Studio.

Confortable, la pièce familiale est ouverte sur la cuisine moderne, et surplombée par Untitled (1984) de Keith Haring, une peinture figurative graphique et exubérante dans le style hiéroglyphique du street-art de l’artiste. « C’est cette pièce qui a marqué le premier grand pas vers la collection pour moi », confie le propriétaire à propos de cet achat de 2003. « Je pense que Keith Haring était sous-évalué par rapport à Jean-Michel Basquiat. J’ai toujours aimé son travail ».

Compte tenu de la présence de trois jeunes enfants, Pembrooke & Ives a pris des mesures de protection pour préserver l’œuvre, une considération importante pour toute famille collectionneuse. « Nous avons créé une protection en plexiglas pour la partie inférieure de la toile », explique Jessica Iwaniec.

Le collectionneur ajoute : « Mes enfants savent qu’ils ne doivent jamais toucher les œuvres. Ceci est fait plutôt pour les autres enfants qui viennent à la maison ».

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