Visites de maison

Cet appartement parisien revisité par Laura González montre pourquoi elle est une star montante de la décoration

« J’ai toujours aimé la période Art déco, en particulier pour la manière dont elle a révolutionné l’aménagement des appartements », explique la décoratrice d’intérieur Laura González qui a travaillé récemment pour une maison parisienne de ce style. « Cet appartement est doté d’un aménagement extraordinaire qui s’articule autour d’un couloir majestueux. » En haut : le salon de l’appartement, dont la couleur des murs n’est « ni blanc, ni crème, mais plutôt beurre ». Décoration Ian Phillips

Depuis la création de son agence Pravda en 2004, alors qu’elle avait 24 ans, la décoratrice d’intérieur parisienne Laura González s’est fait un nom grâce à de nombreux projets mêlant fantaisie et audace pour des hôtels et des magasins. Elle a travaillé notamment sur les rénovations de l’hôtel Relais Christine et du restaurant mythique Lapérouse, qui a ouvert en 1766, à Paris, d’une boutique Christian Louboutin à Barcelone et de magasins Cartier à Zurich, Stockholm et Madrid, ainsi que du bastion de la joaillerie, à Manhattan, qui devrait être terminé l’année prochaine.

Ses commandes pour les particuliers ont été bien plus rares. « Je ne les accepte que lorsque j’ai une véritable connexion esthétique avec le client, et qu’il est possible de dépasser un peu les limites », explique gaiement et sans détour Laura González. Cela a été le cas avec un projet récent, la reconception et la décoration d’un appartement de 250 m² dans un superbe bâtiment Art déco du XVIe arrondissement de Paris.

Laura González s’est lancée dans ce projet car, dit-elle, « j’ai toujours aimé la période Art déco, en particulier pour la manière dont elle a révolutionné l’aménagement des appartements ». « Cet appartement est doté d’un aménagement extraordinaire qui s’articule autour d’un couloir majestueux. »

Les anciens propriétaires des lieux étaient de toute évidence moins passionnés par le style des années 1920-1930, parce qu’ils ont ajouté un grand nombre de fausses moulures du XIXe siècle aux murs et aux plafonds. Laura González les a enlevées pour imprégner l’appartement d’une atmosphère agréablement nébuleuse.

« La couleur des murs n’est ni blanc, ni crème, mais plutôt beurre », selon elle. « Elle donne une touche très paisible et poétique à un intérieur. »

Dans la salle de séjour, une méridienne issue de la collection de meubles de Laura González est installée devant la fenêtre. Elle est tapissée avec un patchwork de tissus de Dedar. « J’adore les meubles entièrement tapissés jusqu’aux pieds », précise Laura González. « C’était très répandu au XIXe siècle et j’aime remettre ce style à la mode avec des tissus contemporains. » Au premier plan se trouve son pouf Byzance, à la forme octogonale.

Elle a également incorporé de nombreux éléments issus de sa ligne de meubles lancée récemment, dont plusieurs pièces, évoque-t-elle, « ont été conçues dans un style totalement sporadique, plutôt que dans le but de créer une collection ».

Ce fauteuil Soho au dossier ondulé rappelle les années 1970, tandis que la chaise Madras s’inspire des lits indiens traditionnels. L’élément le plus distinctif est probablement la table Backgammon en onyx et Plexiglas créée pour l’exposition AD Intérieurs de 2018 à Paris. « Cela fait partie de mon ADN car mon père était directeur de casino », explique Laura González. 

Ici, elle propose à Introspective une visite de l’appartement en montrant comment elle a intégré un mélange de pièces vintage et contemporaines du monde entier et de pièces qu’elle a créées elle-même.


Hall d’entrée

Parmi les principaux ajouts architecturaux de Laura González figurent des encadrures de porte Art déco, aux bords arrondis. « Cela permet de structurer l’espace et apporte une certaine douceur », précise-t-elle. « Les gens ont souvent envie de les caresser. Je voulais leur donner un aspect plâtre brut, mais le matériau en lui-même n’est en fait pas très esthétique.

Alors j’ai recréé son apparence crayeuse avec de la poudre de marbre. » Sur les murs, les rayures en plâtre horizontales évoquent l’architecture gréco-romaine. Laura González a eu du mal à trouver un lustre pour cet espace. Elle en a donc commandé un au créateur parisien Patrice Dangel, qui lui a fait un modèle en bronze et en plâtre qu’elle décrit comme « un clin d’œil contemporain au travail de Jean-Michel Frank ».


Salon

Le hall mène au salon qui se trouve au centre d’une grande salle de séjour décloisonnée. « Je voulais que cet espace aille dans le prolongement du hall d’entrée », justifie Laura González. « Quand on évite d’utiliser des contrastes, cela ouvre des perspectives et donne une impression de grandeur presque incroyable. » 

Dans cet esprit, elle a utilisé les mêmes tons beurre que l’entrée et a ensuite orné l’espace de nombreuses pièces de sa propre collection, dont deux fauteuils Soho, la table Backgammon entourée de deux chaises Madras, plusieurs bougeoirs de sa série Lumière naturelle et un canapé Salvador à la forme rectangulaire. « J’apprécie l’idée de revenir aux canapés rectilignes », explique-t-elle. « Ils permettent vraiment de structurer une pièce. » 

Elle a ensuite mélangé ses propres créations avec plusieurs autres objets dont une sculpture en forme de totem réalisée par Laurent Dufour, une table basse en travertin des années 1960 et, au mur, une sculpture brutaliste des années 1970 du créateur belge Willy Ceysens

Laura González ne se définit pas du tout comme minimaliste. « Je suis très attachée aux objets. Je pense qu’ils aident à définir la personnalité d’un intérieur. » 

Pour donner plus de caractère à cette pièce, Laura González a installé contre un mur, derrière l’un des fauteuils Soho, un piano danois Louis Zwicki datant des années 1950, acheté chez Furnip. « Il est assez spécial car il est plus petit que les pianos classiques et comporte moins de touches », précise-t-elle. « En plus, il est en bois de rose, qui est un bois tellement magnifique ! » 

Fidèle à son style prônant les mélanges, elle a disposé à côté de l’instrument un tabouret Trio en résine rose issu de sa collection. Elle compare cette pièce à « un tube de dentifrice ou à un gros bonbon », expliquant qu’« elle personnifie l’esprit excentrique, détendu et coloré que j’affectionne. Il ne faut jamais se prendre trop au sérieux. »


Salle à manger

Située sur un côté du salon, la salle à manger s’articule autour du dernier ajout de la collection de meubles de Laura González : la table Octopus, qui se compose d’un plateau en travertin rouge persan installé sur des pieds en chêne sculptés, dont les petites boules font penser à des tentacules.

On retrouve également des petites sphères sur les chaises Mawu, créées également par Laura González, qui entourent la table. D’après la décoratrice d’intérieur, « elles ressemblent un peu à une version remise au goût du jour de chaises de chalet alpin, avec un peu de fantaisie ». 

Sur la table se trouvent des verres Gordiola, dont la fabrique est établie à Majorque depuis 300 ans, et de la vaisselle que Laura González a commandée à une jeune céramiste française, Suzie Lapierre d’Argy, qui travaille pour Forma. Les pièces de cet ensemble, remarque-t-elle, « sont totalement dépareillées, signe qu’elles ont été confectionnées à la main ».

Le mur est orné d’une série de dessins de femmes nues réalisés par l’artiste Manolo Valdès, né au Liechtenstein. Un lustre Diego Giacometti couleur plâtre est suspendu au plafond orné d’une peinture ciel subtile réalisée par l’Atelier Roma. 

« J’utilise souvent des peintures ciel pour les plafonds », explique Laura González, « mais jamais en gris, car il n’y a rien de pire qu’un nuage de pluie, ni en bleu, car c’est trop classique et kitch. Je préfère utiliser du beige et du blanc, qui sont plus contemporains. »


Salle de séjour

Située de l’autre côté du salon, cette pièce s’articule autour d’une cheminée en plâtre sur mesure réalisée par François Mascarello, avec qui Laura González collabore régulièrement. 

« C’est un artiste aux talents multiples qui travaille sur de nombreux supports », décrit-elle. « Ses créations ont un aspect fragmenté très brutaliste que j’apprécie beaucoup. » 

D’autres pièces de ses créations, dont un canapé Fuji à la forme arrondie, une autre chaise Madras et une ottomane Byzance entourent une table basse en bois et acier inoxydable des années 1960, dans le style de Heinz Lilienthal, achetée chez Original in Berlin. Le tout est disposé sur un tapis imaginé par la jeune illustratrice et créatrice de tissus française Marguerite Le Maire

« Le motif sobre en forme de vague qui le borde évoque subtilement le style Art déco, tandis que le reste du tapis est orné d’un dessin très riche », précise Laura González. « Cela apporte de la fraîcheur à la pièce. » 

Vers la fenêtre se trouve une autre sculpture de Laurent Dufour, à côté d’une méridienne de la collection de Laura González, ornée d’un patchwork de tissus venant de chez Dedar. « J’adore les meubles entièrement tapissés jusqu’aux pieds », précise-t-elle. « C’était très répandu au XIXe siècle et j’aime remettre ce style à la mode avec des tissus contemporains. »


Cuisine

Donnant sur la salle de séjour via une grande fenêtre, la cuisine est dotée d’un contraste de couleurs remarquable. Dans la partie dédiée à la préparation des plats, Laura González a utilisé une palette douce de tons gris et bruns qui tranche avec les verts et rouges vifs du coin petit-déjeuner. « J’aime apporter une touche de couleur inattendue », justifie-t-elle, « afin de donner un coup de peps. » 

Pour les placards, elle a demandé à la société anglaise Devol d’en personnaliser un de ses collections, en installant sur les portes des rayures en bois horizontales rappelant le bambou. « Elles donnent une touche coloniale qui me plaît », explique-t-elle. Elle a choisi d’autre part un marbre français appelé Brèche de Bénou pour les crédences et une cuisinière La Cornue, un classique du design français. 

Le coin petit-déjeuner, plus gai, comporte une suspension Cloud de chez Apparatus (« un futur classique ») et deux célèbres chaises Tulipe d’Eero Saarinen, à côté d’une table en travertin des années 1970 de l’autre côté de laquelle se trouve une banquette tapissée de cuir et de tissu Hermès. Les murs sont ornés d’œuvres de l’artiste grec Alekos Fassianos.

« Je n’achète jamais des objets juste parce qu’ils ont été réalisés par un créateur ou un artiste en particulier, mais tout simplement parce qu’ils vont bien dans un endroit donné », précise Laura González. « Cela demande beaucoup de recherches, c’est pourquoi je passe mes soirées sur 1stDibs et mes week-ends dans les marchés aux puces de Paris. »


Chambre parentale

« Je voulais vraiment une chambre très douce et paisible, comme un nuage qui flotte », explique Laura González. « Mais je n’ai pas pu m’empêcher de faire un ajout. » En l’occurrence, un remarquable tissu Larsen beige et brun pâle au motif géométrique irrégulier qui recouvre les portes de la penderie.

Du fait de la grande hauteur sous plafond, elle a opté pour une imposante tête de lit tapissée de velours de chez Bruder & Co. « Je me suis dit que ça aiderait à bien présenter la pièce », indique-t-elle. La chambre comprend également un tapis en jonc naturel de chez Nobilis, une ottomane en cuir Soho Home et des tables en ronce de noyer Rose Uniacke.


Salle de bain parentale

« Toute la pièce s’articule autour d’une incroyable fenêtre hublot », décrit Laura González en faisant référence à une caractéristique reconnaissable de l’architecture d’origine du bâtiment. Devant cette fenêtre se trouve une baignoire entourée d’un habillage en onyx brun et crème, sur laquelle sont posés trois bougeoirs Lumière naturelle de sa collection, créés en collaboration avec le céramiste parisien François Roger. 

Le reste de la pièce a été conçu pour des fonctions autres que de simples ablutions. « C’est une pièce assez grande », fait remarquer Laura González, « alors je l’ai plus imaginée comme un boudoir. Le sol est donc en parquet et le plan de toilette ressemble à une coiffeuse, avec du bois de noyer vernis sculpté en forme d’arches et un emplacement pour un pouf. » 

Ce pouf Babylone vient de sa collection. Il est tapissé en bouclette de chez Métaphores. L’applique Maison Leleu et le masque africain sont un clin d’œil à l’esthétique Art déco, tandis que les encadrements de miroirs en plâtre (une autre collaboration avec François Roger) évoquent des cheveux tressés pour Laura González.


Chambre des enfants

« Je n’ai pas voulu créer une chambre d’enfant classique, avec des étoiles au plafond et des robots », explique Laura González. « Je voulais plutôt créer un environnement coloré et artistique qui stimulerait la créativité. »

Ce côté artistique est parfaitement illustré avec le tissu à motifs Amazonia de chez Clarence House sur les têtes de lits et les oreillers reproduisant les peintures de Joan Miró qui y sont adossés. (Ces derniers viennent de la maison Jules Pansu, qui collabore avec de nombreux musées célèbres pour reproduire des œuvres sur des articles de maison.) 

Le tapis imprimé léopard Marguerite Le Maire, les lampes India Mahdavi ressemblant à des sucettes ainsi que les tables en laqué brillant apportent une touche de gaieté et d’audace, tandis que le papier peint intissé couleur céladon de chez Nobilis donne un peu de texture. « L’intissé a des connotations Art déco », précise Laura González. « Je l’utilise beaucoup. »


Salle de bain des enfants

L’association naturelle d’éléments disparates est une des signatures de Laura González. « Pour moi, cela permet d’apporter aux intérieurs un esprit décontracté », explique-t-elle.

Dans la salle de bain, elle a juxtaposé des carreaux au motif en forme de vague de Fornace Brioni et un store à rayures de la créatrice londonienne Beate Heuman avec une baignoire qu’elle qualifie de « style anglais » ainsi qu’un cadre de miroir en plâtre dont les motifs rappellent des hiéroglyphes. Elle ne craint pas non plus de disposer des œuvres d’art sur du carrelage en céramique, comme elle l’a fait dans cette pièce avec deux tableaux de Marko Čelebonović qui se font face au-dessus de la baignoire.


Chambre d’amis

Pour donner du caractère à la chambre d’amis, Laura González a choisi de tapisser un mur avec le tissu Velours Klee de chez Clarence House, aux motifs très marqués. « Pour moi, il y a quelque chose d’assez Art déco dans ses formes », déclare-t-elle. « Ce que j’aime dans ce style, ce sont plus les formes que l’utilisation parfois austère des matériaux. Mon travail est toujours plein de joie de vivre. »

On le constate avec le tissu rayé et la lampe des années 1970, qui sont associés à un guéridon Bishop rose bonbon d’India Mahdavi. Laura González a toujours apprécié son travail. « C’est un design gai et intemporel qui va très bien dans les petits espaces », précise-t-elle. « Pour moi, cela incarne le chic simple que j’essaye d’ajouter à tous mes projets. »

Sélection de Laura González

Chenets Pierre Toulhoat, fin du XXe siècle, vendus par Jean-Luc Ferrand
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« J’adore ces petits chenets en bronze. Ils ajoutent immédiatement une touche d’humour agrémentée d’une dose subtile de savoir-faire. »

Fauteuils Art déco, annéesno-break space - U+00A01920, vendus par MORENTZ
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« Ces fauteuils sont parfaits pour un bureau ou un hall d’entrée. J’apprécie beaucoup leur côté sculptural. »

Lampes attribuées à Michael Taylor, 1970, vendues par Galerie Klismos
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« J’adore la manière dont le style néoclassique de ces lampes a été retravaillé à la manière des années 1970. Leur douceur les rendrait parfaites pour une chambre. »

Table à manger Il Collonato de Mario Bellini, années 1970, vendue par Goldwood Interiors
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Table à manger Il Collonato de Mario Bellini, années 1970, vendue par Goldwood Interiors

« Les proportions de cette table de Mario Bellini me plaisent beaucoup, tout comme ses pieds type éléphant et son travertin rouge persan. Je la mettrais dans une cuisine ou l’utiliserais comme bureau. »

 Verres Multiforme, neufs
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« Je suis toujours à la recherche de vaisselle et j’adore mélanger des verres de Murano de couleurs différentes. On dirait des bonbons sur une table. »

 Fauteuil de salon avec gros accoudoir de George Nakashima, années 1960, vendu par Galere
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Fauteuil de salon avec gros accoudoir de George Nakashima, années 1960, vendu par Galere

« Ce fauteuil Nakashima est semblable à une sculpture qui s’adapte à tous les intérieurs. »

Lampe « Gratte-ciel » de Curtis Jeré, 1972 environ, vendue par Modern Drama
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« Je trouve que le design des années 1970 s’accorde avec tout dans un intérieur contemporain, et Curtis Jeré est un grand nom de cette époque. »

Acrylique sur toile, années 1970, Larry Zox, vendue par Galere
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Acrylique sur toile, années 1970, Larry Zox, vendue par Galere

« J’aime particulièrement les couleurs de cette peinture, ainsi que sa grande délicatesse. »

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