Berenice Abbott, 1898-1991

WASHINGTON SQUARE LOOKING NORTH

1936

Si la photographe Berenice Abbott n'a, à tort, jamais été présentée comme l'un des géants de la photographie du XXe siècle , elle est largement connue, voire célébrée, pour ses portraits emblématiques de certains des habitants les plus glamour du Paris bohème des années 1920.

Et bien qu'elles soient moins connues, les photos d'Abbott des rues désertes, des immeubles vieillissants et des tours de bureaux en construction dans le New York de l'époque de la dépression ont été reconnues par la critique comme étant tout simplement révolutionnaires. En outre, son travail relativement obscur de photographe scientifique a fait l'objet d'une réévaluation admirative ces dernières années. Reconnue pour avoir fait progresser de façon spectaculaire l'esthétique et les techniques du médium (obtenant quatre brevets au passage), sans parler de l'ambition de son sujet - les principales lois de la physique - elle a été favorablement comparée à deux des premiers maîtres de l'expérimentation moderniste : ses mentors Man Ray et László Moholy Nagy.

En 1918, à tout juste 19 ans, avec ses taches de rousseur, son allure androgyne et ses cheveux coupés en brosse, Abbott a fait partie d'un groupe comprenant l'écrivain et illustratrice lesbienne Djuna Barnes et les dadaïstes Man Ray et Marcel Duchamp. Ils l'ont encouragée à les suivre à Paris et à étudier avec le célèbre sculpteur Antoine Bourdelle. Incapable de payer sa formation, et survivant à peine, Abbott accepte un emploi d'assistante de Man Ray. Les miracles de la chambre noire l'ont rapidement convertie à la photographie, tout comme son salaire, et Man Ray lui a enseigné les principes de base.

En 1926, Abbott avait créé son propre studio avec le soutien de Peggy Guggenheim, l'héritière américaine et mécène. André Gide, Jean Cocteau, Janet Flanner et James Joyce figurent parmi les personnalités et les mondains qui sont venus s'y asseoir. Son objectif subversif a permis de réaliser des portraits fascinants.

Un certain nombre d'images de New York réalisées par Abbott semblent avoir été prises par drone ou, selon l'équivalent technologique de l'époque, par dirigeable. Ils l'ont amenée à se poster de manière précaire sur les toits et les rebords des gratte-ciel de Wall Street et de Midtown.

Cet exploit rappelle la célèbre photo de Margaret Bourke-White, contemporaine d'Abbott et compatriote de l'Ohio, prenant un cliché de la ligne d'horizon de New York à califourchon sur l'une des têtes d'aigle métalliques au sommet du Chrysler Building. On ne peut que se demander si une photo d'Abbott dans une pose héroïque similaire aurait contribué à la faire reconnaître comme la documentaliste pionnière qu'elle était.

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