YASSINE MEKHNACHE

Sans titre

2015

Né en 1979 à Lyon. Vit et travaille à Paris. Si je devais évoquer l'œuvre d'I+I en un seul mot, j'utiliserais, abruptement, " Larme ". Je ne suis pas sûr que ce soit le plus approprié pour rendre compte d'un travail déjà impressionnant et en pleine expansion. Mais c'est ce qui me vient immédiatement à l'esprit, devant ces immenses portraits, tous ensemble disposés et détruits, construits et rayés, sous-jacents et enrichis de cicatrices, mais toujours présents, obsessionnels, dans leur vigueur originelle. Elles ont une double apparence, comme si leur sens ne pouvait s'exprimer que par l'addition de deux éléments contradictoires et à la fois complémentaires. Deux éléments : un dessin (un plan) et une existence. Éclairs du rouge sanguin, éclats de feu de l'orange, évidence terrestre de l'ocre, blancs nacrés qui viennent se superposer aux lignes noires précises. Parfois, les écrits, dans leur magie, ajoutent une note discrète et appropriée. Mystérieux aussi. On sent dans ce torrent de création une violence qui était auparavant expurgée par l'artiste sur les fronts, les espaces verticaux et libres des villes, sur les parkings lépreux et les murs noircis des gares. Graffitis, tags, ont été les premiers exercices d'écriture de Yassine 'YAZE' Mekhnache. Comme pour Jean-Michel Basquiat lorsqu'il débuta dans les rues de SOHO la cruelle et envoûtante saga Samo, avant qu'Andy Warhol ne lui donne le goût de la peinture sur tissu. D'une certaine manière, en lisant ses impressionnantes peintures, je place I+I dans ce qui est pour moi la famille d'immenses artistes comme CY Twombly - où le non-dit, le suggéré, crée de la poésie, Georg Baselitz - dont la puissance fait tomber toutes les normes, Can - qui traduit la sauvagerie du Monde... il pourrait y avoir pire compagnie. YAZE a sublimé son apprentissage brutal du street art. Il maîtrise ses pulsions en les canalisant sur les immenses pages blanches de ses cadres. Mais l'art naît de la contrainte, assurait André Gide. Et dans les contraintes qu'il s'impose, YAZE fait vibrer sa fureur personnelle. C'est ce qui nous importe. Que dévoile-t-il ? Que cache-t-il ? Qu'est-ce que cela nous apprend ? Sur lui, sur le monde dans lequel nous vivons ? Le peintre n'a pas besoin de mots pour nous convaincre de sa passion pour le monde. Suggérer ce qu'il ressent, ce qu'il souffre, ce qu'il aime. A 26 ans, par sa peinture, son arme défensive et son langage, YAZE nous impose sa vérité. C'est vraiment émouvant. "Un texte du critique d'art Jacques Bouzerand, 2006"