Lampadaire Augusto de Sergio Rodrigues, 1965

L'architecte et designer prolifique Sergio Rodrigues est souvent appelé le "père du design moderne brésilien ", mais c'est le deuxième adjectif de cette phrase qui mérite d'être souligné : La grande réussite de Rodrigues a été de créer des meubles dans un style qui capture l'esprit, le caractère et la personnalité de son pays.

La modernité est arrivée lentement dans le Brésil du XXe siècle, politiquement et culturellement. En 1945, la nation s'est finalement dotée d'une véritable démocratie constitutionnelle, ce qui a marqué le début d'une nouvelle ère progressiste dans le domaine des arts. Jusqu'à cette époque, les meubles lourds basés sur des modèles européens historiques étaient la norme. À la fin des années 1940, le designer Joaquim Tenreiro a présenté des chaises et des armoires épurées et minimalistes ; José Zanine Caldas, aujourd'hui surtout connu pour son travail artisanal ultérieur, a créé des meubles en contreplaqué destinés à la production en série ; l'architecte italienne Lina Bo Bardi, ancienne rédactrice du magazine Domus-fondé par Gio Ponti, s'est installée à São Paulo, où elle a conçu des chaises élégantes et flexibles reposant sur de minces cadres métalliques.

C'est dans ce contexte enivrant que Rodrigues, fils d'une famille de Rio de Janeiro très active sur le plan artistique, est arrivé après avoir obtenu son diplôme de l'université nationale en 1952. Il a créé Oca Industries en 1955, une entreprise qui allait devenir le principal fabricant de meubles modernistes au Brésil. Lorsque les architectes Lúcio Costa et Oscar Niemeyer ont été chargés, en 1956, du projet fou de planifier, concevoir et construire la nouvelle capitale, Brasília, en cinq ans, ils ont utilisé les premières chaises de Rodrigues, avec leurs lignes douces et leurs sièges et dossiers cannelés, pour meubler de nombreux bâtiments.

Rodrigues réalisera la véritable expression de ses talents dans sa chaise Mole de 1957, qui lui vaudra des prix et des éloges internationaux. Le mot mole signifie "doux" en portugais, mais peut être interprété comme "facile à vivre" ou même "apathique". La chaise de Rodrigues est dotée d'un cadre robuste et généreusement proportionné, fabriqué à partir d'un bois dur originaire d'Amérique du Sud, le jacaranda, et garni de coussins en cuir surdimensionnés qui se rabattent comme des sacoches sur les bras, l'assise et le dossier. C'est un fauteuil qui invite à s'étendre - parfait pour le milieu social du bossa nova et des cocktails caipirinha ; où un après-midi langoureux passé à discuter et à plaisanter est le sommet du plaisir.

La plupart des quelque 1 200 fauteuils , canapés, tables, armoires de rangement et tables à manger que Rodrigues a conçus au cours de sa longue carrière sont imprégnés, d'une manière ou d'une autre, de cet air de relaxation robuste. Sergio Rodrigues était un designer fidèle au tempérament de son peuple.