Agnes Baillon

Fille la Grosse Boule

2018

Je crée des personnages depuis mon enfance. J'ai étudié la peinture à l'École des beaux-arts de Paris, mais j'ai maintenant une préférence pour la sculpture. Je n'ai pas de démarche intellectuelle ni d'explication de ce que je fais, mais j'essaie de refléter l'émotion que me montre la réalité. Je travaille le plus souvent à partir de photos d'actualité, même graves comme la violence gratuite. Je suis fasciné par le portrait et le corps humain. Je ne peux pas imaginer faire une sculpture sans expression visuelle. Il est important pour moi que le spectateur soit troublé, interrogé. Mes personnages sont souvent des souvenirs de personnes hors du commun, et j'essaie de leur donner une voix visuelle, comme pour dire que chacun d'entre nous peut être un peu "border-line". Des détails tels que les cheveux, comme les références à des périodes spécifiques, peuvent étouffer l'imagination du spectateur ; je préfère les laisser de côté ou ne pas les définir clairement, ce qui permet au spectateur de projeter inconsciemment son expérience personnelle, comme s'il se regardait dans un miroir. J'aime l'idée de créer une vie éternelle dans la sculpture, comme au temps des pharaons. En utilisant de la résine blanche, ou en combinant patine et peinture à l'huile sur du bronze, je cherche à reproduire la peau et la fragilité du corps vivant. Les portraits de groupe sont ceux qui m'intéressent le plus actuellement. La mise en relation de plusieurs personnages complexifie la lecture de la sculpture. Agnès Baillon (traduit par David Jester) Un jour, un visiteur de l'une de mes expositions est venu me voir et m'a dit : "Ce sont les vestiges d'une civilisation pacifiste." Il a hésité, attendant mon approbation ou mon désaccord. Je n'avais jamais envisagé les choses sous cet angle. En fin de compte, c'est à travers les mots des autres que nous apprenons vraiment à nous connaître. Vestiges. Oui, mes personnages sont des souvenirs ou des fragments d'une autre époque, révolue peut-être, mais en réalité une époque qui n'a jamais existé. Et pacifiste, sans aucun doute. Je suis profondément et personnellement attaché au pouvoir de la non-violence. J'ai grandi dans une communauté dévouée à la lutte pacifique pour une cause juste et humaine. Toute ma vie, mon éducation m'a défini, et je crois que c'est maintenant à mon tour de me battre pour certaines valeurs. Avec sculpture. En silence et sans cris. Peut-être que je puise dans la poésie et l'affection inhérentes à mon travail pour rappeler que l'humanité ne peut survivre sans espoir. Mon travail actuel se concentre sur le corps blessé, même si je trouve que l'impact dramatique du thème ne va pas assez loin. La blessure ne suffit pas. Mes figures blessées se guérissent d'elles-mêmes. Ils s'endurcissent contre la violence du monde extérieur. Je veux croire que l'être humain peut renaître de ses cendres. En créant ces corps qui ont une vie propre, je me réconforte aussi dans l'idée de donner vie à des personnages qui nous survivront. Agnès Baillon Paris, le 22 avril 2011